En 2004, la présence de Renault en Formule 1 se résume à la célèbre équipe " 100 % Renault " et ses monoplaces bleues et jaunes. C’est la décennie des grands constructeurs automobiles. Le Losange lutte face à Ferrari, Mercedes-Benz, BMW, Honda, Toyota et Ford. Derrière ces puissances financières inépuisables se trouvent des petites structures valeureuses. Parmi elles, Jordan Grand Prix.
L’écurie britannique n’est pas au mieux de sa forme. À vrai dire, elle ne s’est pas remise du divorce avec Honda en 2002 et peine à se sortir du fond du classement avec son V10 Ford client. Si Jordan a remporté une victoire sous la pluie en 2003, ce succès est l’arbre qui cache la forêt. Les finances sont dans le rouge et Eddie Jordan s’emploie à trouver un partenariat avec un autre constructeur.
Au cours de l’été 2004, le britannique discute activement avec Toyota et l’accord semble en bonne voie. Pour Jordan, le moteur nippon est une aubaine, il s’agit de l’un des plus performants du plateau, et l’entreprise japonaise souhaite le fournir à des clients. Si les négociations avancent bien, la signature, elle, tarde à venir. Pour Eddie Jordan, il n’est pas question de se retrouver sans rien pour 2005, il active un plan B. Cette alternative n’est autre que Renault.
C’est ainsi à la fin du mois de septembre que l’on entend parler d’un rapprochement entre Jordan et la marque au Losange. Pour la firme de Boulogne-Billancourt, l’intérêt est double. Il y a tout d’abord l’apport financier non négligeable d’un tel accord. Cet argent supplémentaire permettra de mieux rentabiliser l’activité moteur. Ensuite, avec Jordan, Renault augmente son influence sur la Formule 1. Le Losange disposerait en effet d’un droit de vote multiplié par deux, idéal pour faire passer ses idées lors des réunions stratégiques autour de l’avenir de la discipline face à Bernie Ecclestone, Mercedes-Benz (McLaren), Ferrari (Ferrari et Sauber), Honda (BAR), BMW (Williams), Toyota et Ford (Jaguar et Minardi).
Toutefois, Renault est un peu frileux à l’idée de voir ses moteurs propulser les Jordan. Le Losange a peur de s’éparpiller alors qu’elle attaque une période charnière de son existence en tant qu’équipe. En outre, Eddie Jordan est plutôt opposé aux idées de Flavio Briatore, de quoi laisser supposer des conflits d’intérêts en cas de collaboration. Renault refuse donc dans un premier temps un accord.
Les négociations reprennent cependant rapidement puisqu’à la mi-octobre, de nouvelles informations émanent de la presse spécialisée. Jordan obtient difficilement la signature avec Toyota, si bien qu’il est prêt à certaines concessions auprès de Renault. La première est d’accepter de confier l’une de ses voitures à Franck Montagny, le réserviste et jeune espoir de la marque française.
Renault propose par ailleurs de fournir un package complet, histoire de mieux rentabiliser ses investissements. Ainsi, Jordan se voit proposer le moteur, le train arrière, la boîte de vitesses et la suspension de la R24 pour sa prochaine monoplace. Eddie Jordan n’est pas insensible. Il maintient cependant cette proposition au rang B.
Bien lui aura pris puisque le 15 novembre, Jordan Grand Prix et Toyota annoncent la signature d’un partenariat moteur pluriannuel. Cette annonce, considérée comme celle de la dernière chance pour sauver l’équipe britannique, sonne le glas des négociations avec Renault.
Le Losange devra attendre 2007 pour se montrer plus ouvert à l’idée de motoriser une seconde équipe. Ce sera Red Bull avec l’histoire victorieuse que l’on connaît ensuite. Quant à Jordan, le partenariat avec Toyota ne donnera rien. L’équipe est vendue à Midland à la fin de la saison 2005, puis à Vijay Mallya pour devenir Force India que l’on connaît aujourd’hui. L’indien aura su donner la pérennité tant attendue à cette valeureuse et belle formation.