Renault fait son entrée en Formule 1 en 1977, sous la présidence de Bernard Vernier-Palliez. Pour son arrivée dans la discipline, le constructeur français décide de marquer les esprits et démontrer son savoir-faire par l'adoption d'une technologie inédite : un moteur V6 Turbo. Un défi humain et technologique exceptionnel, qui passera d'abord par la case moquerie avant d'être copié par une concurrence convaincue de l'attrait technique de cette solution. L'aventure Turbo de Renault a non seulement marqué la Formule 1, mais aussi et surtout le monde automobile à travers une démocratisation de cette technologie.
L'Histoire débute officiellement en 1977 avec l'apparition en piste de la RS01, à l'occasion du Grand Prix d’Angleterre. La mise au point du V6 Turbo est cependant délicate. En plus de rendre la monoplace inconduisible, cette technologie est fragile comme du verre et provoque des pannes à répétition.
Pour ce premier rendez-vous, la Renault RS01 pilotée par Jean-Pierre Jabouille abandonne après quelques tours de course, non sans avoir marquée les esprits, mais aussi les moqueries. Les anglais ne manqueront pas d’appeler la RS01 la " théière jaune ", du fait du sifflement et de la fumée provoquée par le V6 Turbo...
La saison 1977 est une succession d’échecs. Renault ne parvient pas à finir une seule course. L’équipe française ne perd cependant pas espoir et montre une persévérance impressionnante, convaincue que son choix technique est le bon.
La RS01 est réutilisée en 1978 pour parfaire son développement. Les résultats s’améliorent doucement. Renault signe quatre arrivées et surtout inscrit ses premiers points lors du Grand Prix des Etats-Unis Est, avec la quatrième place de Jean-Pierre Jabouille. Un premier message fort et une récompense immense pour les hommes de Renault, même si cela ne doit pas faire oublier le long travail encore à réaliser. La RS01 reste en effet une monoplace très fragile, et n'aspire pas la confiance à son volant, avec un comportement exécrable, peu aidé par un moteur Turbo difficile à exploiter.
Elle est cependant de nouveau utilisée pour quelques courses en 1979 avant de laisser place à une voiture totalement nouvelle. Une année marquée également par l’arrivée d’un second pilote, le français René Arnoux.
Avant de tirer sa révérence, la RS01 marque le coup et s'illustre par l'obtention de la première pole position de Renault, signée Jean-Pierre Jabouille lors du Grand Prix d’Afrique du Sud. Un rayon de soleil dans un ciel toujours très nuageux, avec des résultats en course peu convaincant, symbolisés par un compteur vierge à l'issue des six courses disputées.
La fameuse " théière jaune " RS01 part progressivement en retraite à partir du Grand-Prix d'Espagne, en ne conservant qu'un châssis pour René Arnoux. Jean-Pierre Jaobuille a l'honneur d'étrenner la RS10, une nouvelle monoplace faisant appel à l'une des technologies les plus innovantes du moment : l'effet de sol du célèbre Colin Chapman.
La RS10 fait entrer Renault dans une autre dimension. Bénéficiant des enseignements tirés lors des deux saisons précédentes, le V6 Turbo s'améliore très nettement, en plus d'un châssis désormais efficace. Dès sa quatrième apparition en piste, et alors que René Arnoux profite à son tour de l'auto, Renault fait taire toutes les mauvaises langues en remportant une victoire magistrale lors de son Grand Prix de France, une épreuve notamment marquée par le duel magnifique entre Gilles Villeneuve et René Arnoux.
Il s’agit du premier succès de Renault dans la discipline, mais aussi d’un moteur Turbo. Dés à présent, la concurrence se méfie et étudie de plus près cette technologie. Renault a gagné son premier pari.
La RS10 ne se contente d'ailleurs pas de cette victoire, puisque l'on dénombre cinq poles position et plusieurs arrivées dans les points. La fiabilité reste cependant aléatoire et prive le Losange de plusieurs bons résultats. Il s'agit toutefois d'une saison référence qui se solde par une sixième place finale au classement des constructeurs.
L’année 1980 confirme ces progrès. La RE20 fait son apparition, celle-ci est une évolution de la RS10. Aucun changement n'est effectué du côté des pilotes.
Si la fiabilité reste décevante, la Renault monte en puissance et signe trois nouveaux succès et cinq poles position. De nombreuses occasions sont cependant loupées, notamment par Jean-Pierre Jabouille. Celui-ci connaît d’ailleurs une fin de saison extrêmement difficile puisqu’il se blesse lors du Grand Prix du Canada. Cet événement, couplé à une intense frustration, le pousse à quitter Renault.
Le Losange termine tout de même la saison 1980 à une bonne quatrième place au championnat des constructeurs, avec 38 points.
1981 marque l’arrivée d’un jeune espoir, un certain Alain Prost, associé à René Arnoux. La RE20B est dans un premier temps utilisée et les résultats sont décevants, avec un unique podium lors du Grand Prix d'Argentine, obtenu par le jeune espoir du Losange.
Heureusement, la RE30 fait très vite son apparition. Alain Prost s’affirme à son volant et signe trois victoires ainsi que deux pole positions. Le pilote français impressionne par son pilotage exceptionnel, tout comme son retour d’information. De son côté, René Arnoux n'est pas en reste et s’empare de quatre pole positions.
Avec ces résultats, la firme de Boulogne-Billancourt poursuit sa montée en puissance au classement des constructeurs, avec la troisième place finale, pour 54 points marqués.
L’année 1982 est une confirmation des progrès enregistrés la saison précédente. Une version évoluée de la RE30, la RE30B, est utilisée, avec quatre nouvelles victoires pour Renault. L’équipe française confirme par ailleurs sa supériorité dans le jeu des qualifications, avec un total impressionnant de 10 pole positions.
Toutefois, si l’équipe française s’impose de plus en plus comme une favorite au titre mondial, sa fiabilité est toujours aussi préoccupante et génère de trop nombreux abandons. L'addition est salée et suffisante pour voir sa première chance réelle de titre lui échapper.
Renault termine ainsi la saison à la troisième position du classement des constructeurs, à seulement 12 points de Ferrari, champion du monde avec l’utilisation d’un moteur... Turbo. Une grande frustration en dépit d'avoir convaincu la concurrence avec sa technologie.
Dans ce contexte, 1983 s'ouvre avec un esprit de revanche. René Arnoux écarté, Renault recrute l’américain Eddie Cheever. Si la formation française débute la saison avec une RE30 évoluée nommée RE30C, très vite, la RE40 fait son apparition, avec des résultats nettement plus convaincants.
Avec celle-ci, Renault signe quatre victoires et trois pôles positions, toutes signées des mains d'Alain Prost. Le Losange doit cependant faire face à la montée en puissance des Brabham-BMW et de son pilote, Nelson Piquet, ainsi que des Ferrari dont les résultats sont tout aussi bons.
La bataille pour le titre est serrée et seul le dernier Grand Prix de la saison permet de départager les trois équipes. Bien que solide leader de la course, Alain Prost doit essuyer un abandon suite à la casse de son Turbo. Un retrait qui offre sur un plateau le titre de Champion du monde à Nelson Piquet, alors que Ferrari décroche celui des constructeurs.
Renault n'a jamais été aussi proche d'un premier sacre et cet abandon est le symbole de son aventure : des performances incroyables pour une fragilité trop importante. Et si l’équipe Brabham-BMW est soupçonnée d’utiliser une monoplace non-conforme, le constructeur français n’a pas souhaité porter réclamation, la perspective de gagner le titre sur tapis vert n'était pas du goût des dirigeants de Renault.
Très déçu par cet échec, Alain Prost ne manque pas l’occasion de critiquer l’équipe française, ce qui lui vaut d’être licencié. Eddie Cheever quitte lui aussi le Losange. Patrick Tambay et Derek Warwick sont engagés pour la saison 1984, suite à l'échec des négociations pour s'attirer les services de Niki Lauda.
En proie à d’importantes difficultés financières, le budget F1 de Renault est limité. Cela se ressent sur la piste avec une baisse des performances de la RE50. Patrick Tambay parvient toutefois à décrocher une pole position en France et signe avec Derek Warwick plusieurs podiums. Cela ne suffit cependant pas et Renault ne peut lutter pour le titre mondial. L’équipe française doit se contenter d’une modeste cinquième place au championnat des constructeurs, bien en-deçà des espérances…
La baisse de régime du Losange se poursuit en 1985. Le départ de Michelin de la Formule 1 ne facilite pas les affaires de Renault qui doit adapter sa monoplace à de nouvelles gommes, fournies cette année par GoodYear. Le constructeur français mise toutefois sur la stabilité en conservant ses deux pilotes.
Hélas, les résultats sont décevants. Les RE60 puis RE60B ne parviennent pas à suivre le rythme des leaders, et seuls quelques podiums sont obtenus ici et là. La fiabilité faisant aussi défaut, de nombreux points sont loupés. Renault se contente d’une très décevante septième place finale, et annonce son retrait de la Formule 1.
Le constructeur français maintient toutefois son activité motoriste en conservant ses partenariats avec les équipes Lotus, Ligier et Tyrrell pour la saison 1986.
Une aventure qui s’achève amèrement. La perte des titres en 1982 et 1983 n'a pas récompensé une marque Renault audacieuse, capable de persévérance alors que personne ne croyait au Turbo. Gagner des courses et signer des poles position ont convaincu la concurrence, et c'est probablement la plus belle réussite de cet engagement.
Le retrait de Renault n’est toutefois que provisoire puisque le Losange reviendra très vite dans la discipline…
Informations | Statistiques |
---|---|
Grand Prix disputés | 132 |
Nombre de saisons | 9 |
Nombre de pilotes | 11 |
Nombre de monoplaces | 12 |
Nombre de Titres Mondiaux | 0 |
Victoires | 15 |
Poles position | 31 |
Meilleurs tours | 18 |
Podiums | 41 |
Points | 325 |
1977 Renault Turbo Elf
Nc du championnat des constructeurs (0 pts) ; J-P.Jabouille Nc (0 pts)
1978 Renault Turbo Elf
12e du championnat des constructeurs (3 pts) ; J-P.Jabouille 17e (3 pts)
1979 Renault Turbo Elf
6e du championnat des constructeurs (67 pts) ; J-P.Jabouille 13e (9 pts), R.Arnoux 8e (17 pts)
1980 Renault Turbo Elf
4e du championnat des constructeurs (38 pts) ; A.Prost 15e (5 pts), R.Arnoux 6e (29 pts)
1981 Renault Turbo Elf
3e du championnat des constructeurs (54 pts) ; A.Prost 5e (43 pts), R.Arnoux 9e (11 pts)
1982 Renault Turbo Elf
3e du championnat des constructeurs (62 pts) ; A.Prost 4e (34 pts), R.Arnoux 6e (28 pts)
1983 Renault Turbo Elf
2e du championnat des constructeurs (79 pts) ; A.Prost 2e (57 pts), E.Cheever 7e (22 pts)
1984 Renault Turbo Elf
5e du championnat des constructeurs (34 pts) ; P.Tambay 11e (11 pts), D.Warwick 7e (23 pts), P.Streiff Nc (0 pts), M.Andretti Nc (0 pts)
1985 Renault Turbo Elf
7e du championnat des constructeurs (16 pts) ; P.Hesnault Nc (0 pts), P.Tambay 11e (11 pts), D.Warwick 14e (5 pts)