Si on associe aujourd’hui davantage Renault à la Formule 1, c’est oublier la large histoire du Losange en Endurance. Que ce soit sous son propre nom ou avec la marque Alpine, le constructeur français a longtemps animé les paddocks du Mans, avec plus ou moins de succès. Revenu sur les circuits d’Endurance en 2013 avec Alpine, le Groupe Renault a déjà renoué avec la victoire grâces aux deux titres de Champion d’Europe acquis en 2013 et 2014.
Renault et l’Endurance, c’est une vieille histoire ! Dès sa création en 1898, Louis Renault a utilisé le sport automobile pour démontrer la qualité et la robustesse de ses créations. Aux balbutiements de l’industrie des transports, l’Endurance – sur piste et sur terre - était le seul vecteur parlant pour les spectateurs. Autrement dit, une voiture qui résiste aux kilomètres et aux conditions extrêmes, tout en étant innovante et performante gagne le cœur du public. Louis Renault l’avait bien compris.
Jusqu’en 1918, Renault remporte ainsi de multiples victoires avec ses différents véhicules. Toulouse-Paris (1899), Paris-Vienne (1902) ou encore le prix de l’Automobile Club de Dieppe (1913), voilà une liste non-exhaustive des succès du Losange.
Vient ensuite la Première Guerre Mondiale. Un arrêt provisoire avant de se relancer dans les années 20 avec la célèbre Renault 40 CV, aussi à l’aise sur piste que sur terre.
Il faudra cependant attendre la fin des années 40 pour voir l’histoire d’amour entre le Losange et Le Mans débuter. Ce n’était pourtant pas gagné d’avance !
Renault lance en 1947 la 4 CV et décide de la dévergonder avec un engagement à succès en Rallye. Paradoxalement, le Losange ne veut pas entendre parler du Mans et c’est grâce à des initiatives privées que l’on découvre une 4 CV dans la Sarthe en 1949 et 1950.
Les victoires signées dans leurs catégories par ces équipages démontrent les qualités de la petite bombe de Boulogne-Billancourt et le Losange ne se montre pas insensible aux retombées de ces succès. Bien au contraire. Conscient de l’impact positif de ces participations, Renault décide en 1951 de s’engager officiellement sous l’identité " RNU Renault ". Ce sont les débuts officiels du Losange aux 24 Heures du Mans.
Près de cinq 4 CV sont ainsi inscrites en 1951. L’une d’entre elles s’impose dans sa catégorie. Renault ne parvient cependant pas à rééditer cet exploit en 1952. En 1953, le Losange cesse son engagement officiel. Renault ne disparait cependant pas du Mans, puisque le Losange accepte de fournir des moteurs à des écuries privées jusqu’en 1958, tandis que plusieurs 4 cv continuent de participer à l’épreuve mancelle à titre privée.
C’est en 1975 que débute l’une des pages les plus connues de l’Histoire de Renault en sport automobile : la route vers la victoire au Mans.
Au cours des années 70, le constructeur français accorde une grande importance au moteur turbocompressé. Pour démontrer le bienfondé de cette technologie, Renault choisi le sport automobile et décide de faire son entrée au Mans. La volonté du Losange est aussi claire que difficile : faire gagner pour la première fois un Turbo dans cette course légendaire. Bien sûr, cela demande des investissements et du temps, Renault va donc progressivement faire monter en puissance son équipe.
Pour son arrivée en 1975, Renault assure sur le plan marketing à défaut de pouvoir espérer un résultat en piste. En plus de faire parler avec l’introduction du Turbo, la firme de Boulogne-Billancourt détonne par l’engagement d’un seul prototype piloté uniquement par des femmes. Au volant d’une A441C engagée sous la bannière du Elf Switzerland Co Ltd, Lella Lombardi et Marie-Claude Beaumont lancent Renault dans la grande course du Mans.
Grâce à une consommation d’essence maîtrisée, l’A441C laisse espérer un classement final favorable mais un abandon sur problème technique après seulement 1h30 de course douche tous ces espoirs. Il ne s’agit toutefois que d’une première participation, et les enseignements tirés seront mis à profit pour préparer l’édition suivante.
Renault aborde toutefois 1976 avec prudence. Disputant cette fois-ci les 24 Heures du Mans sous les couleurs de l’équipe " Renault Sport ", le Losange espère simplement terminer, avant de penser à la victoire. Un nouveau prototype est lancé, l’A442, sur lequel le constructeur français va construire son succès deux ans plus tard. La firme de Boulogne-Billancourt change également son duo de pilotes, et fait confiance désormais à Jean-Pierre Jabouille et Patrick Tambay.
Le potentiel est bien présent puisque Renault signe ni plus ni moins la pole position mais en course, les craintes d’une mauvaise fiabilité poussent pilotes et ingénieurs à adopter un rythme prudent. Rapidement relégué derrière les deux Porsche, l’A442 connaît d’ailleurs des alertes dès la 2e heure, jusqu’à abandonner lors de la 9e sur panne moteur.
Ce retrait ne refroidit en rien les ardeurs de Renault qui voit ses ambitions décuplées pour 1977 dont la victoire au Mans devient l’objectif prioritaire. Pour contrer les risques de ne voir aucune voiture à l’arrivée, le Losange n’hésite pas à mettre les moyens, à travers un dispositif impressionnant. Quatre A442 sont engagés auxquels il faut ajouter un nouveau partenariat avec l’écurie Mirage, dont deux GR8 à moteur V6 Turbo Renault sont inscrites pour la course.
En parallèle, un programme intensif d’essais privés est mené dans chacune des deux équipes, avec de bon résultats tant sur le plan de la fiabilité que de la performance. Dans ce contexte, Renault débarque au Mans avec sérénité.
Las, si Renault assure en qualifications avec l’obtention de la pole position et la présence de ses quatre prototypes officiels dans le top 5, la course n’est qu’une succession de désillusion. En cause, encore et toujours cette fiabilité précaire. Les choses se compliquent dès le départ avec l’abandon dans les premières minutes de la Renault #16. À 20h00, elle est suivie par la Mirage-Renault #11, puis à 04h00, c’est la #7 qui renonce, non sans avoir connu au préalable des difficultés. Cela ne va malheureusement pas s’arrêter. En tête jusqu’à 09h00, la #9 s’immobilise à son tour et la #8, longuement stoppée aux stands dans la nuit, doit également stopper. Seule la Mirage-Renault #10 s’en sort indemne et offre au Losange une deuxième position finale, derrière Porsche.
Ces pannes à répétition ont majoritairement pour origine des soucis moteurs, dont Renault identifiera la cause. Il s’agit toutefois d’une grande désillusion, d’autant que la performance était là, avec des A442 en tête une large partie de la course. Mais au Mans plus qu’ailleurs, la fiabilité est la pièce maitresse pour espérer s’imposer.
Renault aborde dans ce contexte 1978 avec un esprit de revanche mais non sans une certaine pression. La Direction s’impatiente à l’heure où le programme F1 prend de plus en plus d’importance, l’échec est donc interdit. Les moyens accordés restent très élevés avec une campagne d’essais privés intensives et le lancement d’un nouveau prototype, l’A443.
C’est à nouveau six voitures qui prennent part à l’édition 1978 des 24 Heures du Mans, trois officielles dont une A443 et deux A442, une A442 privée confiée à l’équipe Calberson et enfin deux M9 de l’équipe Mirage-Renault.
La lutte entre Porsche et le Losange fait de nouveau rage, et les qualifications illustrent ce duel désormais devenu habituel depuis 1976. Là où Renault s’imposait dans cet exercice du tour rapide, c’est cette fois-ci la marque allemande qui remporte la mise, mais la grille témoigne des écarts très faibles, avec une alternance de Porsche et Renault. Les structures privées sont reléguées en seconde zone, avec en chef de file Mirage-Renault, qui accroche le neuvième chrono.
En course, la firme de Boulogne-Billancourt impose son rythme et prend rapidement l’ascendant sur sa rivale germanique. Comme en 1977, Renault dispose de la performance pour dominer Le Mans, mais la fiabilité reste un point d’inquiétude. À 22h30, la #3 abandonne alors qu’elle occupait le deuxième rang. Puis l’A443 #1 et leader de la course en fait de même à 10h00, laissant le champ libre à la #2.
Les craintes d’un scénario 1977 se répéter sont très fortes, d’autant que la #2 montre des signes de fatigue sur l’embrayage. Renault ménage l’auto autant que possible et profite de son avance considérable sur Porsche pour le faire. Une tactique payante.
À 16h00 le dimanche 11 juin 1978, la Renault Alpine A442 #2 pilotée par Didier Pironi et Jean-Pierre Jaussaud franchit la ligne d’arrivée en vainqueur, et fait entrer le constructeur français dans le palmarès des 24 Heures du Mans. La Renault #4 de l’équipe Calberson va également au bout de l’épreuve et termine quatrième, tandis que la Mirage-Renault #10 pointe au dixième rang.
La route aura été longue et périlleuse, mais Renault a finalement atteint son objectif, celui de faire triompher son Turbo et accrocher sa marque dans le tableau des vainqueurs de l’épreuve d’Endurance référence à travers le monde.
Ce succès en poche, Renault peut désormais se consacrer entièrement à son autre défi, en Formule 1 cette fois-ci. La marque au Losange ne sera plus vraiment visible au Mans d’ici à aujourd’hui, à l’exception de quelques piges, et du nouvel engagement d’Alpine de ces dernières années.
Le 5 novembre 2012, Renault annonce le retour de la marque Alpine dans l’industrie à l'horizon 2016 avec une nouvelle berlinette. En attendant l’arrivée de cette voiture, Renault doit permettre à Alpine d’occuper le terrain médiatique et cela passera par le sport automobile. Le passé du constructeur dieppois laisse entrevoir deux possibilités : le Rallye ou l’Endurance. Renault opte pour le second choix, plus économique et plus adapté sur le plan marketing.
Le 8 mars 2013 est ainsi annoncé le retour d’Alpine en Endurance dans la catégorie LMP2, via une association avec l’écurie française Signatech. Renault profite de l’implication de son partenaire Nissan pour récupérer ses moteurs à moindre frais. Le châssis est réalisé par Oreca et on nomme l’équipe " Signatech-Alpine ".
Le prototype reçoit le nom d’A450 puis d'A450B et s’engage en European Le Mans Series, le Championnat d’Europe d’Endurance. Alpine participe également aux 24 Heures du Mans.
Ces engagements sont une vraie réussite puisque Signatech-Alpine décroche successivement les titres de Champion d'Europe 2013 et 2014 ainsi qu'une troisième place aux 24 Heures du Mans 2014.
L'appétit venant en mangeant, Renault décide en 2015 de passer à la vitesse supérieure et inscrit Alpine en WEC, le Championnat du monde d'Endurance labellisé FIA, avec une A450B dans la catégorie LMP2. Une nouvelle marche et de nouvelles ambitions pour le groupe Renault, désormais sur une plate-forme idéale pour faire connaître sa marque à l'international.
Les objectifs pour cette première campagne restent modestes à l’heure où l’équipe doit tout réapprendre en plus d’être confrontée aux meilleures structures d’Endurance du monde. Une première participation à deux vitesses, donc, pour Alpine, avec une fin de campagne tonitruante pour contrer un début de saison poussif, conséquence de cette inexpérience. Alpine s’illustre notamment par l’obtention de sa première pole position et victoire lors des deux dernières manches de la saison, permettant à la marque d’obtenir la quatrième position du Trophée Equipe LMP2 (sur 9).
Alpine attaque la campagne 2016 sur la même dynamique, avec cette fois-ci un nouveau prototype, l’A460, et aucune fausse note. En décrochant quatre victoires, trois autres podiums et deux pole positions en neuf courses, la marque tricolore s’adjuge sans contestation possible le titre de Champion du Trophée Equipe LMP2. Et comme si cela ne suffisait pas, Alpine s’impose également aux 24 Heures du Mans 2016 dans la catégorie LMP2. Une année pleine et historique.
La campagne 2017 a été en revanche plus difficile. À l’image de 2015, la marque tricolore connaît un début de saison délicat et sauve son année grâce à une deuxième partie bien plus convaincante. Elle décroche ainsi la troisième position du Trophée Equipe LMP2 après avoir accumulé une victoire, trois deuxièmes places et une troisième position. Les premières courses ratées privent cependant Alpine d’un deuxième titre consécutif. L’équipe peut toutefois se réjouir de l’obtention du podium au classement général des 24 Heures du Mans toutes catégories confondues.
Participations au Mans | Victoire | Podium | Poles position | Meilleurs tours |
---|---|---|---|---|
4 | 1 | 2 | 2 | 2 |
Participations au Mans | Victoire | Podium | Poles position | Meilleurs tours |
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5 | 1 | 3 | 0 | 0 |
Statistiques arrêtées le 03.01.2017
Equipe | Voiture | Numéro | Pilotes | Position arrivée |
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Elf Switzerland Co Ltd | Alpine Renault A441C | 26 | Lella Lombardi & Marie-Claude Beaumont | Abandon |
Equipe | Voiture | Numéro | Pilotes | Position arrivée |
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Renault Sport Elf | Renault Alpine A442 | 19 | Jean-Pierre Jabouille & Patrick Tambay | Abandon |
Equipe | Voiture | Numéro | Pilotes | Position arrivée |
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Renault Sport Elf | Renault Alpine A442 | 16 | René Arnoux & Guy Frequelin & Didier Pironi | Abandon |
Renault Sport Elf | Renault Alpine A442 | 9 | Jean-Pierre Jabouille & Derek Bell | Abandon |
Renault Sport Elf | Renault Alpine A442 | 7 | Jean-Pierre Jaussaud & Patrick Tambay | Abandon |
Renault Sport Elf | Renault Alpine A442 | 8 | Patrick Depailler & Jacques Laffite | Abandon |
Mirage-Renault | Mirage GR8 | 10 | Vern Schuppan & Jean-Pierre Jarier | 2eme |
Mirage-Renault | Mirage GR8 | 11 | Michel Leclere & Sam Posey | Abandon |
Equipe | Voiture | Numéro | Pilotes | Position arrivée |
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Renault Sport Elf | Renault Alpine A443 | 16 | René Arnoux & Guy Frequelin & Didier Pironi | Abandon |
Renault Sport Elf | Renault Alpine A442 B | 2 | Jean-Pierre Jaussaud & Didier Pironi | 1er |
Renault Sport Elf | Renault Alpine A442 A | 3 | Jean-Pierre Jarier & Derek Bell | Abandon |
Ecurie Calberson | Renault Alpine A442 A | 4 | Guy Frequelin & Jean-Pierre Jabouille & Jean Ragnotti & José Dolhem | 4eme |
Mirage-Renault | Mirage M9 | 10 | Jacques Laffite & Vern Schuppan & Sam Posey | 10eme |
Mirage-Renault | Mirage M9 | 11 | Michel Leclere & Sam Posey | Abandon |