Depuis la création de Confidential-Renault en 2006 et sa migration en véritable site web en 2009, jamais nous n’aurions voulu écrire cet article. Nous en avons pourtant publié des milliers, parfois pour traiter des actualités difficiles. Celle-ci est probablement la plus dure, celle qui laisse des traces, celle d’un cœur qui saigne, d’une passion touchée au plus profond d’elle. Renault cesse de devenir un motoriste. C’est son Histoire, son ADN, près de 50 ans d’émotions. Et des centaines voire milliers d’emplois, de personnes dévastées, qui ont été la source d’un bonheur non mesurable.

Ils se sont battus jusqu’au bout. Ils ont présenté un plan à Luca de Meo. Cela n’a pas fonctionné. Dès 2026, il n’y aura plus de moteurs Renault sur les grilles de départ d’un Grand-Prix de Formule 1. Cela n’était pas arrivé depuis 1988, à un moment où le Losange préparait – déjà – son retour pour la période la plus faste de son Histoire. Décision a été prise de passer à une motorisation externe, probablement Mercedes, sur l’autel du coût, mais au détriment de ce que représentait la Formule 1 pour Renault, ses salariés.

Il n’y aura pas de suppressions d’emplois, car de nouveaux projets sont mis en place. Ils sont davantage orientés vers la vie série, même si le sport automobile reste d’actualité avec l’Endurance, le Rallye-Raid, la Formule E et la compétition client. Enstone gardera de son côté la Formule 1, sans un cœur français. Cette décision alimentera sans aucune doute les rumeurs d’une vente, bien qu’Alpine se garde d’affirmer qu’il n’est pas question de cesser son implication dans la discipline.

Néanmoins, quel goût pourrait avoir la victoire d’une Alpine-Mercedes ? Plus encore, celui d’un titre ? Pourrons-nous vibrer, pleurer de joie ? Comment cela pourra-t-il être possible en pensant à tous nos ami(e)s de Viry-Châtillon ? Que vont-ils ressentir si cela arrive ? L’idée glace le sang. Aujourd’hui, la seule pensée est de s’assurer que ces personnes à qui l’on doit beaucoup de reconnaissance puissent trouver une voie convaincante pour leur futur professionnel, pour leur motivation, à la hauteur des émotions apportées à nous, les supporters.

Ils ont en effet porté l’Histoire de Renault depuis 1977. Nous n’allons pas la réécrire, la presse s’en charge suffisamment. Nous avons une rubrique dédiée – que l’on doit mettre à jour ! -, celle-ci a TOUJOURS été orientée autour du moteur. Car le moteur est la colonne vertébrale de la légende frappée du Losange. De toutes les périodes, il a influencé les résultats, il a écrit les plus belles lignes. Le Turbo, que tout le monde a adopté ensuite, le V10 atmosphérique, que tout le monde a adopté ensuite. Le V10 à angle large, tué par la réglementation orientée sur l’endurance, puis un V8 truffé d’innovations tels que les échappements soufflés.

Au-delà de l’équipe Renault avec Alain Prost et Fernando Alonso, il y a Lotus avec Ayrton Senna, Williams et ses innombrables légendaires pilotes, Benetton et Michael Schumacher, puis enfin Red Bull associé à Sebastian Vettel, c’est dans ces partenariats moteurs que l’Histoire s’est écrite. Car Renault a toujours mis du cœur à traiter ses écuries, ses clients, à armes égales, même si cela se fait au détriment de sa propre structure.

À cela s’ajoute d’autres belles aventures, nous pensons à la réunification de Williams et Renault en 2012, soldée par une victoire, la dernière de Grove. Plus récemment nous avons eu la montée en puissance de McLaren, 3e des constructeurs à la fin du partenariat en 2020. Il ne faut pas l’oublier dans une période hybride décriée. D’autres associations atypiques, comme Tyrrell dans les années 80, BAR et Arrows via l’aventure Supertec, ou encore un amour en dent de scie avec Toro Rosso.

On n’oubliera pas, enfin, Ligier, associée deux fois dans un projet français à une époque où la politique utilisait la Formule 1 comme un levier d’influence. Cela ne se vérifie plus aujourd’hui avec la disparition de l’unique technologie française, à l’heure où il n’existe même plus de Grand-Prix national. Seules de grandes personnalités resteront, comme les pilotes, des cadres majeurs et bien sûr le nom… Alpine sur le châssis.

Une Alpine sans moteur Renault n’a pas de saveur. C’est pourtant déjà arrivé à une époque où la marque évoluait en Formule 2. Associée quelques saisons dans les années 70 à Ford puis BMW. Mercedes va donc suivre désormais. Peut-on rêver d’un retour, un jour, d’un moteur Renault en Formule 1 ? Il semble que l’unique victoire du mouvement social soit la mise en place d’une cellule de veille. Comme en 1987. Le Losange veut surveiller l’évolution de la réglementation et maintenir les compétences.

Pour quelles perspectives ? Un retour de dernière minute en cas de changement de direction ? Une fonction de lobbying pour orienter la future réglementation des années 2030 et ainsi activer un plan d’engagement – avec par exemple de l’hydrogène ? Il faudra certainement donner à Renault des motivations d’innovation pour imaginer un retour. Et des règles plus pertinentes en matière de coûts vis-à-vis des clients – aujourd’hui la source de cette décision de retrait.

En attendant, les mots ne suffisent pas pour décrire notre peine, notre empathie à l’égard de Viry-Châtillon. Ils ne suffisent pas non plus à apaiser leur cœur, leur colère, leur frustration, leur déception et leur tristesse. Toutes ces émotions, que nous aurions aimé ne jamais connaître, sont là. À toutes ces personnes, aujourd’hui plus que jamais, nous pensons à vous et nous vous REMERCIONS, au plus profond de nous, pour ce bonheur indescriptible. Pour l’énergie que vous mettez, chaque jour, afin de nous faire vibrer. Simple de loin, si compliqué de l’intérieur.

L’Histoire restera à jamais gravée. Renault, l’un des plus emblématiques motoristes de la Formule 1. 23 titres de Champion du Monde, 178 victoires, 217 poles position, 517 podiums, 191 meilleurs tours. Une célèbre publicité du Losange disait, en 1997, après ses succès avec Williams et Benetton : " Renault, six titres de Formule 1 en six ans, ce n’est plus un palmarès, c’est un hold-up ".

Ce " hold-up " a une toute autre résonnance aujourd’hui, à l’image d’un travail inachevé qui ne verra donc jamais le jour...