En Formule 1, on parle constamment de vitesse de pointe, d’accélération, d’aérodynamique … Mais on oubli souvent un élément mécanique et stratégique vital : le freinage. En effet, le freinage est une source de gain important : plus on a la possibilité de freiner tard, plus on gagne des 1/100ème de seconde au chrono et un bel avantage lors d’une tentative de dépassement.
Un Grand Prix, c’est environ 600-700 freinages et sur certains circuits plus de 200 dans la course sont considérés comme ‘violents’ Je vous propose de regarder de plus près les éléments mis en œuvre lors du freinage d’une monoplace. Une question, pour commencer, qui va vous amuser :
On arrête l’humour et on se rappelle qu’au niveau scientifique tout corps en déplacement, et donc une monoplace, reste un objet de masse M lancé à une vitesse V. Cette voiture possède alors avant freinage une Energie cinétique E=1/2.m.v
2 qu’il va falloir dissiper !
Cette énergie cinétique est ‘annulée’ lors des freinages via plusieurs phénomènes:
¤ La trainée aérodynamique, qui s’oppose à l’avancement de la monoplace. Saviez-vous que dès que le pilote lève le pied de l’accélérateur, la F1 prend -1G !?
¤ La récupération d’une partie de cette énergie cinétique par le KERS (Lisez donc l’article technique à ce sujet en cliquant ici !)
¤ La dissipation de cette énergie en chaleur par friction via le système de freinage.
¤ La déportance aérodynamique : plus il y a d’appui sur les roues, plus les pneus pourront ‘encaisser’ le freinage, ce qui repousse le point de blocage des roues et permet au pilote d’optimiser son freinage.
Lors d’un freinage extrême de 340km/h à 100km/h en 2.8s (soit une décélération de -5G !), la température des disques peut atteindre 1200°C !
Le Pilote appui violement sur la pédale de frein (90 à 110kg de pression avec son pied et une jambe !) sans aller jusqu’au point de blocage des roues. Ce 1er appui court sert à faire chauffer le disque à l’attaque d’un freinage violent.
Le pilote relâche alors la pression et immédiatement ré-appui avec un effort maximum sur la pédale de frein (à l’inverse du freinage de ‘Monsieur tout le monde’ ou la mise en pression du freinage est progressive).
La transmission est faite hydrauliquement (jusqu’à Pf=100bar) sur chaque roue à l’étrier de frein, qui via 4 pistons hydrauliques (de section Se) va déplacer ses deux mâchoires et venir via les plaquettes de frein ‘serrer’ le disque. Un effort Normal de freinage Nf (Nf = Pf x Se) apparait uniformément réparti sur les plaquettes et le disque. Le frottement entre les plaquettes et le disque (sur chacune de ces 2 faces) crée un effort tangentiel Tf = f x Nf (f étant le coefficient de frottement entre les 2 matériaux plaquette / Disque) : ces efforts tangentiels se dissipent en chaleur selon un modèle mathématique complexe (jusqu’à 1200°C, sachant qu’à partir de 600°C, le carbone s’oxyde et le disque rougit en brulant de la matière). Ce cycle est répété à chaque freinage et donc environ 700 fois par GP, avec par exemple 200 fois violement sur un Grand Prix comme celui du Canada, réputé pour la sévérité ses freinages. Le système de freinage doit être refroidi pour retomber dans la plage de température de fonctionnement optimum.
Les progrès sur la chimie des matériaux ont permis cette dernière décennie d’exploser les performances de freinage. N’oublions pas que chaque 1/10ème de seconde de freinage plus tardif, donc plus violent, est stratégiquement important dans une course ! Les disques sont en matériaux composites, appelé Composite ‘C/C’, c'est-à-dire Carbone / Carbone. Pour être précis, on parlera de C/SiC/C, Carbone / Carbure de Silicium/Carbure.
Les fibres de carbones sont en fait liées par une matrice en carbone, contrairement à des résines utilisées comme liant pour les autres parties de la monoplace. Pour lier ces fibres de carbone avec des particules de carbone, il faut mettre en œuvre un procédé de fabrication très complexe et très long. Les étapes de dépose de la matrice carbone entre les fibres nécessitent des températures de mise en œuvre de plus de 11000°C et peuvent durer plusieurs mois. Pour cette raison, le coût des éléments de freinage est exorbitant : on entend parler de 12-15000€ par roue !
Ce composite C/C a d’excellentes propriétés mécaniques. Logique c’est presque du carbone pur, très proche du matériau le plus résistant existant … le diamant. Le carbone possède :
¤ Une excellente tenue au frottement.
¤ Une excellente résistance à la détérioration thermique.
¤ Un très faible coefficient de dilatation thermique, assurant une stabilité dimensionnelle.
¤ Une excellente capacité thermique, assurant une bonne évacuation de la chaleur en freinage.
¤ Une faible aptitude à la fissuration, limitant le risque ‘d’explosion’ des disques trop usés.
¤ Un début d’oxydation du carbone au-dessus de 500°C
Les propriétés mécaniques des matériaux plaquettes/disque se détériorent avec l’augmentation de la température dans ces éléments. L’oxydation des disques de frein apparait au-dessus de 600°C : le carbone constituant brûle et le disque s’use prématurément, ce qui dissipera donc moins de chaleur au freinage suivant et le cercle vicieux démarre !
Il est alors primordial d’assurer un refroidissement maximum de ces éléments de freinage. Pour y remédier, les éléments suivants sont mis en œuvre :
¤ Des écopes de freins font converger l’air ‘frais’ ambiant. Leur dimension est calculée pour obtenir le flux nécessaire au refroidissement du disque sans perturber l’aérodynamique générale de la monoplace.
¤ Les disques sont auto-ventilés. Ils sont en effet ‘perforés’ : ainsi l’air frais est véritablement aspiré par le centre et refoulé à haute vitesse par sa périphérie. Cette ventilation des disques doit être judicieusement conçue car c’est la détermination du rapport quantité de matière/volume des canaux de refroidissement qui représente le compromis entre résistance mécanique à l’usure et potentiel de refroidissement.
Risque de défaillance
Le composite C/C à ces très hautes températures ne se fissure pas. Le risque d’explosion d’un disque de frein est donc très rare en Formule 1 pendant les courses. Les disques deviennent seulement moins résistants, et leur capacité de friction est diminuée. C’est peut-être pour cela que ce système mécanique reste ‘discret’ ?
Professeur Agrégé en ingénierie numérique à l’Université de Versailles, et passionné de Formule 1, ma devise est la suivante: "La 3D au service de l’innovation technologique". Je suis un supporter inconditionnel du côté 'obscur' de l’ex-Renault F1 Team à Enstone ... et supporte maintenant le Lotus Renault GP.
Ma mission ? Expliquer, vulgariser le travail exceptionnel des ingénieurs F1 & techniciens pour rendre un peu plus visible la partie compétition high-tech qui se joue dans les bureaux d’études, CFD Center, et usine entre chaque Grands Prix.
Thierry Chevrot
Episode 1 : L'aileron arrière ajustable
Episode 2 : Veille technologique & Essais privés
Episode 3 : Innovation aérodynamique arrière de la R31
Episode 4 : Le KERS démystifié
Episode 5 : Les pneumatiques
Episode 6 : Les suspensions arrières
Episode 7 : Le fond plat
22-24 Novembre 2024
03:00 - 04:00
07:00 - 08:00
03:00 - 04:00
07:00 - 08:00
Course
07:00 - 09:00
29 Novembre-01 Décembre 2024
06-08 Décembre 2024
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